Le matin j’suis fatiguée parce que la nuit j’ai trop rêvé

Un et un, un

Je suis perdue. Je sais plus qui je suis.

Je suis plus Bijou.

J'ai plus de tête, plus de corps, plus de bras, plus de cœur, plus de cerveau. J'ai plus rien. Plus de dedans, plus de dehors. Ça fait bizarre, je sais plus où s'arrête ma vie.

J'ai envie de tout arrêter pour vivre plus fort. J'ai envie de changer de nom, pas comme quand tu te maries, mais changer de nom parce que c'est plus moi qu'est là, c'est une autre.

Une autre qui va avec un autre, qui est tout le temps avec moi, donc qui est un peu dans moi, un peu de moi.

C'est ça l'amour ? C'est terrible, non ? Finalement, je sais plus si j’ai envie.

Abracadabra

Quand j'étais petite, j'étais sorcière. Je croyais que c'était normal.

En tout cas c'était normal chez nous. On disait : les filles c'est des sorcières et les gars sont des gros bêtas.

Donc moi, je faisais plein de potions magiques avec de l'herbe, des cailloux, de la terre, des carambars et des couleuvres des marais, vu que j’étais sacrément une fille. Je jetais des sorts sur les garçons et les vilains, et je traversais la cour avec sur mon ballet pour m’envoler… 

Et puis ensuite on m'a dit que tout ça c'était pas vrai, qu’il fallait que j’arrête mes gamineries, que la sorcellerie c'était comme le Père Noël et ces trucs du genre : des racontars pour idiots ! Ca n’existe pas.

Moi, j’étais pas du tout de cet avis, parce que j’étais sûre qu’il y avait de la magie en moi. Mais j’ai arrêté quand même.

Avec M. Igor, ça m'a un peu chatouillé l'esprit, mon don et tout ça. Mais je me suis dit : attention c’est comme le Père Noël et les cloches de Pâques ! Te laisse pas embarquer ! Souviens-toi que ça n’existe pas !

Mais j’ai eu beau me retenir, me sermonner et me forcer, la nuit dernière, tout a basculé ! Et tous mes pouvoirs se sont rebellés, et une fois que le feu a pris partout dedans mon corps, je me suis carrément envolée jusqu’aux cieux !

J'ai failli renoncer

Je me disais : je serais jamais amoureuse ! Et ça me rendait triste au fond.

Mais j'en avais tellement marre d'attendre. Pourtant, je suis pas le genre à me décourager. Quand tu vis à la campagne, tu sais forcément ce que c'est que la patience.

T'es bien obligée pour regarder pousser le blé. Même avec de l'engrais, c'est long à pousser le blé. Alors t'attends.

T'attends que les jours passent, ceux avec la pluie, et ceux avec le soleil… T'attends.

Mais là, j'en pouvais plus. Je me suis dit que j'allais finir sans amour.  Sans amour toujours, sans amour tous les jours, sans amour tout court…

Et puis voilà, ce soir il était là. Et c'est pas à la gourmette que je l'ai reconnu, c'est à… Je l'ai reconnu et puis c'est tout.

J'ai moissonné l'amour toute la nuit.

Rendez-vous :

J’ai entendu une discussion à la radio où une écrivaine disait que les minutes qui précèdent un rendez-vous amoureux sont les plus belles du monde parce qu’elles font accélérer le cœur d’une très bonne manière.

J’ai voulu en savoir plus, mais il a fallu que je parte chez Venus pour ne pas arriver en retard comme Geneviève.

Je n’arrête pas d’y penser.

Et je me demande vraiment quel genre d’impression ça peut faire : est-ce que le cœur bat comme après une course de haies ? Comme un matin de Noël? Comme quand on va recevoir son bulletin de notes ?...

j’aimerais bien qu’on me dise, mais j’ose pas trop demander.

Tourner 7 fois sa langue…

Tout le monde dit que quand on est jeune, on est en colère et que c’est normal.

Mais moi, je suis jeune et pas en colère du tout.

Je sais pas pourquoi, mais c'est le contraire, je suis contente. J’aime bien quand il fait trop chaud, j’aime bien quand il neige, j'aime bien tout. Je suis contente, quoi !

On dit que les jeunes, ils toujours envie de mettre le feu.

Bah moi, franchement, j’ai pas envie d’essayer du tout.

Vous croyez que c’est normal ?

Mais je sais pourquoi je veux pas. Je me souviens quand le drôle de gars qui venait de Blois avait rodé pendant plusieurs  jours autour de la grange de mon père, et qu'elle avait brûlé en pleine nuit, et que le gars de Blois, les gendarmes l'avaient mis en prison.  Et bah ça m'a pas fait envie de voir sa tête dans le fourgon !

Y’en a aussi ceux qui disent que les jeunes ils ont rien dans la caboche. Moi je sais pas, je me sens pas bête non plus. Je réfléchis.

Eux, ils se prennent pour qui !? Pour des intellectuels peut-être !? En tout cas, ceux qui disent ça, je leur souhaite du fond du cœur une mort horrible, que le sang leur gicle de partout et que leurs os soient brisés les uns après les autres sous une pluie de pierre pointue en feux !

Non mais ça va pas, nooooooooon ?!!!!!

Et s’il n’existait pas ?

J'ai pas rêvé cette nuit.

J'ai pas rêvé, mais je me suis quand même réveillée en sursaut avec un orage de grêle dans la nuque.

J’ai eu peur.

Oui j'ai eu peur qu’un matin, je me réveille vieille dame sans avoir jamais rencontré l’homme à la gourmette. Et s’il n’existait pas ? Et si je l’avais inventé juste pour me sentir bien sans penser qu’un jour je me sentirais très mal ? « Tout est poison, rien n’est poison » dit souvent mon père, et ma tante Rita, elle répond alors, « c’est juste une question de dosage ».

Ça veut dire : boire un petit peu de vin c’est bon pour la santé, mais si on en boit trop, c’est très mauvais. C’est aussi valable pour les piments, les pâtes de fruits et les ongles.

Alors ?! Est-ce qu’on peut se blesser d’avoir trop rêvé ? Est-ce qu’imaginer des choses à la folie ça peut rendre malade ?

J’espère vraiment que non, parce que rêver c’est quand même une des choses les plus délicieuses dans la vie qui coûte pas d'argent.

J'ai croisé Hubert !

Je suis sûr que c'est lui.

C'était mon amoureux en CE1.

On était toujours fourré ensemble dans la cour de l'école (côté église) et quand il me demandait d'enlever ma culotte et je le faisais. Et puis on allait se baigner ensemble, et puis on faisait du vélo. Et en Lego il était super fort pour faire des engins, surtout des fusées intersidérales.

Et puis une fois, en CM2, il m'a fait une cabane. Elle était derrière chez Madame Oubas, elle était en noisetier, comme une tente avec une couverture par terre pour pas avoir froid. Mais c'était l'été, il a jamais fait froid sous cette cabane. On y allait tous les jours, c'était un secret.

Mon père, il me cherchait partout quand on y était. Nous on jouait aux grandes personnes pendant des heures. Il avait les cheveux longs, alors je le coiffais…

C'est bizarre tous ces souvenirs qui me sont revenus quand je l'ai vu, d'un coup je me suis sentie vieille.

Cause toujours

J’ai rêvé que j’étais devant la vitrine d’une boucherie chevaline et que ça sentait fort la viande un peu vieille.

Je lève la tête pour regarder le cheval doré et cet  espèce d’imbécile se met à loucher ! Alors je lui dis d’arrêter de faire le zouave, que c’est dangereux, qu’il pourrait rester bloqué !

Il me répond rien, mais il me tend une pipe et du tabac. Là, de sa voix étrange de cheval il me dit, comme un acteur américain : « Fume c’est du bon, c’est du belge ! ».

Je fais alors comme il dit. Je mets du tabac dans la pipe. Je la mets dans ma bouche, je gratte une allumette et là, bien concentrée et tranquille je fume ma pipe.

Mais le cheval doré explose de rire, et me dit « J’étais sûr que c’était toi, content de te revoir vieille branche ! ».

Je le regarde de travers, vu que je ne comprends pas ce qu’il me dit. Alors il se reprend : « Bah, oui, sacré Chien qui fume, tu croyais que je t’avais pas reconnu ?!».

Très embêtée, je regarde mon reflet dans la vitrine du magasin, et là je ne vois que du boudin et des côtelettes…

Phénoxyéthanol

J'ai acheté Que Choisir, exprès !

C'est pas possible !

Ils disent que les crèmes hydratantes que je mets aux clients toute la journée, c'est pas bon pour la santé ! Que c'est que du poison.

D'un seul coup, je me retrouve comme la sorcière de Blanche Neige avec sa pomme rouge toute brillante, sa pomme empoisonnée (sauf que moi c’est plutôt de la compote), je l'étale sur le visage de mes pauvres victimes. Du coup, elles pourraient mourir dans d'atroces souffrances avec le foie pourri et les hormones déchirées et je sais plus quoi de pire !

Qu'est ce qu'on va faire à l'institut !? On va tout arrêter !?

On va plus leur mettre que de l'huile d'amende douce pour hydrater et du blé pour faire les peeling ? Oui, mais si demain y'en a un qui nous prouve que ça aussi c'est dangereux, que les amendes qu'il faut pas s'en mettre trop et que le blé donne le cancer !?… On s'en sortira jamais !

Moi je continue avec les crèmes hydratantes tant qu'Ingrid elle me dit rien !

Regarder par un décolleté

Le décolleté d’une fille, c’est un peu comme une fenêtre, avec des rideaux.

Soit les rideaux sont fermés mais vous pouvez quand même deviner ce qui se passe à l’intérieur, soit ils sont légèrement tirés, et la lumière peut entrer, soit c’est carrément grand ouverts, et alors là : attention aux courants d’ai r !